Je n’aime que moyennement les romans scientifiques – en mathématiques m’ont plu Le dernier théorème de Fermat (Simon Singh), et le moins connu L'oncle Petros et la conjecture de Goldbach, d’Apostolos Dioxadis. Je ne mentionnerai pas les « romans scientifiques » qui ne m’ont pas plu… Je viens de terminer Les Animaux dénaturés, livre (disponible en Livre de Poche) de 1952 de Vercors (1902-1991), l’auteur du fameux Silence de la Mer. Il est présenté sur Wikipedia comme un roman de science-fiction (et même précurseur d’une science-fiction française). Je ne le décrirai pas comme cela, j’ai trouvé que c’était un récit très intéressant sur l’évolution : le fait qu’il se passe en Grande-Bretagne renforce l’aspect « darwinien » du roman.
Je mentionnerai deux citations qui m’ont fait réfléchir. La première recoupe mes réflexions sur l’alterscience, et notamment sur certains aspects du créationnisme américain en astrophysique (NB : orthogenèse = penser qu’il y a une direction dans l’évolution):
Même Pop n’est orthogéniste que pour des raisons strictement scientifiques (…) Ce n’est point parce qu’il croit à une volonté divine qu’il est orthogéniste, mais au contraire parce qu’il est orthogéniste qu’il croit à une volonté divine.
La seconde citation donne la clef du titre – les protagonistes cherchent à définir ce qu’est l’homme, par rapport à des singes ou hommes appelés Tropis qu’ils ont découverts. La différence, selon Vercors, ne serait pas tant liée à l’intelligence qu’au rapport à la nature :
L’animal a continué de la subir. L’homme a brusquement commencé de l’interroger (…) Or, pour interroger, il faut être deux : celui qui interroge, celui qu’on interroge. Confondu avec la nature, l’animal ne peut l’interroger. Voilà, il me semble, le point que nous cherchons. L’animal fait un avec la nature. L’homme fait deux. Pour passer de l’inconscience passive à la conscience interrogative, il a fallu ce schisme, ce divorce, il a fallu cet arrachement (…) Animal avant l’arrachement, homme après lui. Des animaux dénaturés, voilà ce que nous sommes.
Je recommande la lecture de cette fiction philosophico-scientifique…