22 octobre 2009
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On continue le feuilleton Bouvard & Co (après épisodes 1 & 2), feuilleton quotidien et sans prétention mais divertissant j'espère. Comme Gustave, j'ai toujours été frappé par l'extase dans laquelle les grands chiffres inaccessibles, les "chiffres astronomiques" justement, plongent certains, et surtout la façon dont certains auteurs usent et abusent de cela (pour rester dans le XIX° siècle citons Flammarion ; mais c'est aussi valable pour les chiffres nanoscopiques des nanosciences du XX°). Voici l'extase de Bouvard & Pécuchet et sa chute :
Une zone de poussière lumineuse, allant du septentrion au midi, se bifurquait au-dessus de leurs têtes. Il y avait entre ces clartés de grands espaces vides, et le firmament semblait une mer d’azur, avec des archipels et des îlots.
— Quelle quantité ! s’écria Bouvard. — Nous ne voyons pas tout ! reprit Pécuchet. Derrière la voie lactée, ce sont les nébuleuses ; au delà des nébuleuses, des étoiles encore : la plus voisine est séparée de nous par trois cents billions de myriamètres.
Il avait regardé souvent dans le télescope de la place Vendôme et se rappelait les chiffres.
— Le Soleil est un million de fois plus gros que la Terre, Sirius a douze fois la grandeur du Soleil, des comètes mesurent trente-quatre millions de lieues ! — C’est à rendre fou, dit Bouvard.
Il déplora son ignorance, et même regrettait de n’avoir pas été, dans sa jeunesse, à l’École Polytechnique.
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21 octobre 2009
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Décidément ce livre tient ses promesses (voir billet précédent) - en début de partie III consacrée à la chimie (les compères veulent améliorer les conserves catastrophiques de leurs rachitiques légumes), on trouve les deux passages suivants :
Pour savoir la chimie, ils se procurèrent le cours de Regnault et apprirent d’abord « que les corps simples sont peut-être composés ». On les distingue en métalloïdes et en métaux, différence qui n’a « rien d’absolu », dit l’auteur. De même pour les acides et pour les bases, « un corps pouvant se comporter à la manière des acides ou des bases, suivant les circonstances ».
La notation leur parut baroque.
(...)
Quelle merveille que de retrouver chez les êtres vivants les mêmes substances qui composent les minéraux ! Néanmoins ils éprouvaient une sorte d’humiliation à l’idée que leur individu contenait du phosphore comme les allumettes, de l’albumine comme les blancs d’œufs, du gaz hydrogène comme les réverbères.
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Science en littérature
20 octobre 2009
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Je souhaite élargir le spectre de mon blog (tout en restant scientifique comme vous le voyez dans l'expression ci-avant), j'espère que les lecteurs me suivront. Mon intérêt pour l'alterscience (cf. mon séminaire EHESS) m'amène à lire divers ouvrages, et il ya longtemps que je souhaitais relire Bouvard et Pécuchet (dernier roman de Flaubert, publié un an après sa mort en 1881). Je vous fais partager un extrait amusant, notamment la dernière phrase. Les deux compères tentent de percer les secrets de la météorologie pour améliorer l'état de leurs cultures peu florissantes :
Pour se connaître aux signes du temps, ils étudièrent les nuages d'après la classification de Luke-Howard. Ils contemplaient ceux qui s'allongent comme des crinières, ceux qui ressemblent à des îles, ceux qu'on prendrait pour des montagnes de neige – tâchant de distinguer les nimbus des cirrus, les stratus des cumulus ; les formes changeaient avant qu'ils eussent trouvé les noms.
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